Ce que j'aime dans cette sutra, c'est à la fois le fait qu'elle pose les bases de ce qu'est la pratique du Yoga, mais contient aussi plusieurs strates de compréhension. Tout d'abord, Patañjali nous rappelle que la pratique dont il parle est une mise en mouvement, une série d'actions. Les Kriyā peuvent être des exercices spécifiques mais ils signifient aussi pour moi le fait que la pratique du Yoga ne se cantonne pas à des exercices mais réside dans tous nos actes du quotidien. Il n'existe pas de frontière entre notre tapis et le reste de la vie. La notion de Tapas, vient amplifier cette idée : ce n'est pas en faisant quelques mouvements par ci par là de temps en temps que l'on parvient à un résultat. Ce chemin demande de la persévérance et une attention constante.
Avec cette sutra, Patañjali nous invite aussi à comprendre que la pratique du Yoga est une rencontre avec soi-même. Elle nous invite à chercher qui nous sommes, comment nous réfléchissons, pourquoi nous sommes là où nous sommes, pourquoi nous faisons tel ou tel choix, qu'est-ce qui nous freine ou au contraire nous anime, quel est notre rapport au monde et aux autres, quels sont nos discours intérieurs. Les postures de Yoga seules, même si elles nous apportent de nombreuses lumières sur nous-mêmes, ne suffisent souvent pas à faire cette exploration. La lecture des textes anciens, la méditation, l'Ayurveda (médecine traditionnelle indienne), les thérapies, les rencontres, nos expériences... toutes ces choses nous aident à mieux nous connaître si nous y portons assez d'attention et de zèle.
Svādhyāya est aussi une invitation à comprendre la complexité de notre Être. Nous ne sommes pas juste des êtres faits de chair et d'os, nous avons différentes enveloppes qui nous constituent (ce qu'on appelle les kosha en sanskrit). Des enveloppes de matière, d'autres d'énergie, d'autres de conscience et de félicité.
Mais la pratique du Yoga ne consiste pas qu'à apprendre à se connaître soi. C'est aussi un chemin qui nous invite à considérer que notre être n'est pas le centre du monde, qu'il y a une puissance qui nous dépasse et nous transcende. Certain.e.s l'appellent l'Univers, d'autres Dieu, d'autres encore la Nature ou l'Amour. Passer son temps à pratiquer l'introspection n'a aucun intérêt si l'on oublie que nous faisons parti d'un tout, que nous sommes entouré.e.s d'autres êtres en chemin.