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Yoga et Syndrome de Stress Post Traumatique

Ariane • janv. 14, 2021

Accueillir nos émotions et les communiquer n’est pas toujours facile. C’est encore plus compliqué lorsqu’on a survécu à un événement traumatisant et que l’on souffre de SSPT (Syndrôme de Stress Post Traumatique). 

Le Yoga Intéroceptif


Le Yoga Intéroceptif est une pratique toute récente dans le monde du Yoga. En effet, elle repose sur les dernières recherches en matière de Syndrôme de Stress Post Traumatique (SSPT) menées par le psychiatre et chercheur pr. Bessel van der Kolk et le travail de David Emerson.


Aux cours de sa pratique, Bessel van der Kolk avait remarqué que les thérapies verbales n'avaient pas ou peu d’effets dans la rémission du SSPT. L’événement traumatique semblait être “bloqué” dans le corps. En se basant sur les dernière recherches en neuro-sciences, il a ainsi pu établir que les personnes souffrant de SSPT possédaient une forme de trouble de l’amygdale. C’est une petite région du cerveau dont la fonction consiste entre autre à dire si un événement/une pensée/un bruit/une odeur est dangereux ou non. Si l’amygdale estime qu’il y a danger, elle envoie un signal au système nerveux sympathique pour qu’il se déclenche. Ce dernier assure notre réponse de fuite/combat/immobilisation. Cette réaction est quasi instantanée et est un instinct de survie. C’est ce qui se passe lorsque quelqu’un se cache pour nous faire une farce et que l’on sursaute de surprise.


Le mécanisme du cerveau dans le trauma


Ce n’est que par la suite que le cerveau fait sens de l’événement menaçant en envoyant son message au cortex préfrontal. Ce dernier permet de mettre des mots sur ce qu’on a vécu et de donner à l’événement une réponse plus élaborée que le système nerveux sympathique (comme par exemple dire calmement à son ami.e que cette farce nous a effrayé et que l’on ne souhaiterait plus qu’il/elle le fasse à l’avenir). Or selon certaines recherches, chez les personnes atteintes de SSPT, cette zone du cerveau est complètement inhibée (et ne fonctionne pas) quand l’amygdale détecte un danger. C’est la même chose lorsque l’on vit une émotion très forte, sauf que le circuit “normal” se remet rapidement à fonctionner lorsqu’on ne souffre pas de SSPT.


Une autre partie du cerveau semble jouer un rôle fondamental dans le SSPT : l’hippocampe. Elle se trouve également dans le cerveau limbique (le cerveau intérieur, que l’on retrouve chez la plupart des mammifères). Cette dernière joue un rôle important dans notre perception spatio-temporelle mais aussi dans la mémoire. On ne sait pas encore très bien comment fonctionne exactement le circuit neuronal de la mémoire mais on pense toutefois que cette double casquette de l’hippocampe et sa proximité avec l’amygdale pourrait jouer un rôle dans le fait qu’une odeur, un son, un mot, ou une situation, puisse nous ramener directement à l’événement traumatique. Il est également intéressant de noter que si des afflux très importants d’adrénaline et de noradrénaline (les hormones de la peur, de l’effroi et du stress) sont envoyés dans le corps, l’hippocampe peut carrément “oublier” l’événement traumatique. Mais les sensations (odeur, vision, sensation physique, goût…) restent imprimées en elle. C’est potentiellement ce qui pourrait provoquer les flashbacks ou des réactions de panique face à un stimulus au demeurant anodin. C’est aussi pour cette raison que beaucoup de personnes “oublient” les agressions sexuelels qu’elles ont pu vivre dans leur enfance : l’atteinte à l’intégrité physique, la peur de mourir, le bouleversement des croyances en un monde juste et bon, sont tellement intenses que le souvenir est annihilé. 

En quoi consiste le Yoga Intéroceptif ?


Le Yoga Intéroceptif ne vise pas nécessairement à retrouver les souvenirs d’un traumatisme. Ces derniers peuvent ressurgir lors d’une thérapie, d’un événement important (décès, naissance) ou de la présence de tout autre élément déclencheur et ce, même des années plus tard. Cela dit, il vise à aider à reconstruire le chemin neuronal entre l’amygdale et le cortex préfrontal. En effet, toujours selon les études du pr. van der Kolk (s’appuyant sur d’autres recherches), le corps est “conditionné” pour répondre au danger d’une certaine manière. Lorsqu’on a été victime d’un ou de plusieurs événements traumatisants, le corps a très souvent été dans l’impossibilité de se battre ou de fuir. Soit parce qu’on a été submergé par la peur, soit parce qu’on a été dans l’impossibilité d’agir d’une manière ou d’une autre. Parfois aussi, l’immobilité était le seul moyen de survivre à cet événement. Une fois que cette réponse a été “imprimée” dans le corps (et ce, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un traumatisme complexe, c’est à dire comportant plusieurs événements traumatisants similaires), c’est cette dernière réponse que le corps va préférer choisir car cela lui a déjà permis de survivre. C’est sans doute la raison pour laquelle un traumatisme simple (créé par un seul événement) peut se transformer en traumatisme complexe : le schéma abusif se répète parce que le corps est en incapacité de réagir autrement : soit en prenant la fuite soit en agissant. C’est le cas de nombreuses agressions sexuelles mais aussi des violences conjugales. 


Lorsqu’on pratique le Yoga Intéroceptif, le langage utilisé par l’enseignant.e et les postures proposées visent donc à recréer un chemin entre l’amygdale et le cortex pré-frontal. Tout d’abord, on (ré)apprend à ressentir les sensations physiques. Il arrive en effet souvent que le lien entre le corps et le cerveau soit complètement détruit par le traumatisme puisque le corps a été un lieu de danger, de peur, de dégoût, de souffrance et qu’il a souvent fallu mettre de côté ses souffrances physiques pour pouvoir survivre. Donc c’est le premier job du Yoga Intéroceptif : le corps a des sensations physiques. Certaines sont agréables, d’autres moins. Le deuxième job du Yoga Intéroceptif est d’inciter l’élève à agir sur ces sensations physiques. Si une sensation entraîne un sentiment d’insécurité, on peut remédier à la situation en changeant de position, en ouvrant les yeux, en arrêtant l’exercice. On créé alors un nouveau chemin dans le cerveau : l’amygdale envoit ses messages au cortex pré-frontal qui peut à nouveau analyser la situation et trouver une réponse élaborée pour y remédier. En agissant avec le corps, on a un impact positif sur le cerveau (or on a longtemps cru que c’était toujours le contraire). 

Garder espoir


Malgré le fait que les thérapies verbales semblent moins efficaces sur les symptômes du SSPT que des pratiques corporelles comme le Yoga, cela ne signifie en aucun cas que ces dernières sont inutiles. Bien au contraire, elles permettent aux victimes de briser le silence et la solitude, de trouver de la compassion, de créer des solutions innovantes et uniques pour guérir et aller de l’avant. D’ailleurs, il est important de noter également que la parole est essentielle juste après avoir vécu un événement traumatique de grande ampleur telle qu’une attaque terroriste ou une catastrophe naturelle. On a en effet pu constater que lorsque des cellules psychologiques étaient créées juste après ce type d’événement, la résilience des victimes était beaucoup plus importante. 


Le SSPT entraîne des troubles divers qui s’étalent sur une durée d’au moins un mois, tels que : les cauchemars, les flashbacks, les troubles du sommeil, les troubles du comportement alimentaire, les crises d’angoisse, la dissociation, l’engourdissement, l’évitement, l’hyper-vigilance, la dépression, l’auto-mutilation, les tentatives de suicide, l’abus de substances telles que l’alcool ou les drogues. Malgré le fait que la guérison de ces symptômes passe par le corps, il est également très important de se faire aider par un thérapeute qualifié. Si vous souffrez de l’un ou de plusieurs de ces symptômes, faites-vous accompagner. Vous n’êtes pas seul.e.s et il est tout à fait possible de guérir et de retrouver une vie normale.

Bibliographie

Voici également une bibliographie qui vous donnera d’autres pistes de guérison :



  • Le Corps n’Oublie Pas - Bessel von der Kolk
  • Overcoming Trauma Through Yoga - David Emerson
  • Le Drame de l’Enfant Doué - Alice Miller
  • Notre Corps ne Ment Jamais - Alice Miller
  • Parents Toxiques - Susan Forward



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