Pour ce mois de Février, je vous propose de pratiquer sur le thème de célébrer un nouveau jour. À travers ce planning de pratique, je vous invite à célébrer la vie, le chemin parcouru, un jour qui commence. J’y ai réuni un certain nombre de pratiques du matin, tant pour célébrer le fait que le soleil se lève, que pour célébrer la sortie de mon nouveau programme « Un OM par Matin » ! Vous trouverez également dans ce programme des séances sur des thèmes un peu plus profonds qui nous invitent à accueillir nos peines et nos souffrances.
Chères yoginis, chers yogis,
Si vous me suivez sur les réseaux sociaux, vous avez sans doute pu lire que, malheureusement, deux de mes chèvres s’en sont allées vers les prairies éternelles du monde de l’immatériel. Charlie nous a quitté assez subitement, à cause d’une vilaine pneumonie. Je pensais que Rosalie, mon petit clown, ma biquette si courageuse et résiliante, parviendrait à surmonter ce deuil. Depuis un peu plus d’un an, elle se battait contre le CAEv, une maladie dégénérative qui provoque une arthrose très violente qui déforme les articulations. Elle a toujours été très indépendante et, malgré sa patte avant qui se déformait lentement, elle allait pâturer tranquillement, à son rythme, là où les ronces étaient les plus vertes ( ou le potager le plus intéressant ).
Bien sûr, ma Rosalie s’est encore battue après le départ de Charlie. Mais sa tristesse a fini par prendre le dessus. Elle a développé un abcès, exactement au même endroit que sa copine, quelques temps auparavant. Et puis petit à petit, ses jambes ont commencé à la lâcher. Tous les jours, je venais à l’abri, 4 ou 5 fois, pour la lever, essayer de la faire marcher un peu. Je lui donnais un peu de cortisone pour la stimuler et faire baisser la douleur. Mais elle se laissait aller tous les jours un peu plus.
C’est une grande souffrance de voir les êtres qu’on aime dériver. Il y a d’abord cette peur constante qu’il arrive quelque chose, qu’on ne soit pas là au bon moment, qu’on arrive dans l’abri et qu’elle soit morte. Et puis il y a l’espoir. Cet espoir si humain, si caractéristique à notre espèce. J’avais beau avoir fait la promesse à toutes mes chèvres qu’elles partiraient quand c’était juste pour elle, je n’arrivais pas à me résoudre au départ de Rosalie. Dans ma tête, j’échafaudais des plans, j’imaginais la conception d’un petit chariot à roulette sur lequel on aurait pu la mettre pour la faire pâturer les jours de beau temps, je priais pour un miracle.
J’ai fait venir une femme que j’adore et qui fait des soins énergétiques aux animaux. Lorsqu’elle a fait son soin à Rosalie, cette dernière n’a pas souhaité travailler sur sa tristesse, celle liée au départ de sa copine Charlie. Rosalie se débrouille toujours toute seule ! Le soir même, ses pattes refusèrent de la mettre debout alors que jusque là, en lui tenant l’arrière train, je réussissais à la lever, au moins pour quelques instants. J’ai essayé, essayé, essayé. Jusqu’à être en sueur. Jusqu’à ce que Rosalie soit épuisée. Je me suis mise à lui hurler dessus pour qu’elle se lève. Pour finalement éclater en sanglots. C’était fini, Rosalie ne se lèverait plus.
Cela m’a encore pris quelques jours, quelques nuits sans sommeil, quelques crises de larmes. Ma thérapeute a pourtant trouvé les bons mots : plus je lutte contre, et plus je m’inflige un surplus de souffrance. « Acceptez et accueillez votre tristesse, laissez vous pleurer autant que vous en avez besoin. Faites les rituels qui vous semblent nécessaires. Passez autant de temps avec Rosalie que vous en avez envie. Dites lui tout ce que vous avez à lui dire. Accompagner un être vers la mort est un magnifique cadeau. Ce sont souvent des moments très particuliers, un peu magiques parfois. Laissez-vous vivre pleinement ce moment. »
Le lendemain, j’étais enfin prête. J’ai passé un long moment à caresser ma Rosalie, à lui dire tout l’amour que j’avais pour elle dans l’oreille, à pleurer toutes les larmes de mon corps, à la rassurer sur ce grand et beau voyage qu’elle s’apprêtait à faire pour rejoindre sa copine Charlie. La nuit suivante, je me réveillais à 6h47 (je précise que cet horaire est complètement inhabituel pour moi), la tête pleine de larmes et de tristesse. Quelque chose me disait que Rosalie allait partir. J’ai tout de même fait ma médiation et pris mon petit-déjeuner. Pendant encore 2h, j’avais envie que Rosalie soit encore vivante dans ma tête et dans mon coeur. Quand je suis allée à l’abri, elle était morte mais pas depuis très longtemps. J’aime penser qu’elle est partie à 6h47 très exactement.
Je sais que ce texte est bien triste et en l’écrivant, j’ai encore quelques larmes qui ont roulé le long de mes joues. Mais je voulais que vous sachiez aussi la suite de l’histoire. Oui, ma Rosalie est partie, et j’ai ressenti une immense tristesse. Mais aussi un grand soulagement et une grande paix intérieure. Soulagement de ne plus à avoir peur de la trouver morte chaque matin. Paix intérieure parce qu’elle est partie quand c’était ok pour moi. Pas avant, ni après. Juste au bon moment, après que je ne me sente plus coupable de lui avoir crié dessus par désespoir, jusque après que je lui ai dit tout ce que je voulais lui dire. Et je ne peux pas m’empêcher de trouver ça un peu magique.
Si vous accompagnez en ce moment un être que vous aimez à travers la maladie ou la vieillesse, je vous souhaite de tout coeur de trouver cet espace en vous d’acceptation, ce moment où ce sera ok pour vous de laisser cet être partir. Je vous souhaite de plonger dans cette infinie tristesse, de profiter de chaque instant, d’exprimer tout ce que vous avez à exprimer pour pouvoir à nouveau laisser place à la vie et à la sérénité. Car lorsqu’on s’occupe d’êtres en fin de vie, on se trouve dans un espace/temps qui ressemble à l’anti-chambre de la mort, comme si nous aussi nous étions aspirés. Or il est tellement bon de retrouver les couleurs, la joie et la vie nouvelle ! Il est tellement bon de se dire que cet être qui est parti est sans aucun doute ravi.e que nous soyons pleinement de retour parmi les vivants.
Ariane,