Pour ce mois de Décembre, je vous propose de pratiquer sur le thème du déconditionnement. Au programme : se (re)mettre dans la peau d’un débutant !
(Re)découvrir de nouvelles pratiques, de nouvelles postures, se mettre (peut-être enfin) à la méditation, découvrir que les postures de Yoga n’ont rien d’ancien... Bref, se déconditionner ! :)
Pour retrouver ces séances : tapez les mots-clés des titres dans les barres de recherche sur YouTube !
Chères yoginis, chers yogis,
En ce moment, je reprends l’éducation de ma chienne, Luna. Pour celleux qui me suivent sur les réseaux sociaux, vous connaissez peut-être un bout de son histoire. C’est une chienne que j’ai rencontrée quand j’étais bénévole en refuge et que j’ai adoptée il y a deux ans, quand elle avait déjà 9 ans. Luna est une chienne très attachante, un peu maladroite, voulant toujours bien faire, pleine d’amour, drôle, très gourmande et super têtue ! Ma Luna est aussi une chienne qui n’a jamais connu la « vraie » vie. Elle a passé la plus grande partie de sa vie en refuge et du coup, le monde lui fait peur.
Elle déclenche, c’est à dire qu’elle veut attaquer, tout ce qui n’est pas « normal » selon ses standards : les vélos, les trottinettes, les motos, les gens qui courent, les gens qui marchent avec des bâtons, les chevaux, les enfants... Un vrai bonheur ! :)
Elle a pourtant déjà fait beaucoup de progrès en deux ans, tous nos amis nous le disent. Mais là, depuis quelques temps, nous sommes un peu dans une spirale négative. Il faut dire que Luna est un chien ultra sensible et qu’elle « boit » mes émotions. Quant à moi, je suis assez anxieuse et mon stress peut monter très vite très fort. Du coup, quand Luna sent que je stresse, ça la stresse, elle a plus tendance à déclencher et donc je stresse encore plus et donc... on fait de moins en moins de choses ensemble, on balade un peu toujours aux mêmes endroits, là où je sais qu’on
ne risque de rencontrer personne.
Et puis j’en ai eu marre. J’ai eu envie que notre vie s’améliore. Pas qu’elle empire ! Donc j’ai contacté un énième éducateur canin ( je ne m’étendrai pas sur le sujet, mais trouver quelqu’un qui est d’accord d’accompagner Luna et qui est compétent, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin...) dont je connaissais la méthode ; méthode que je voulais vraiment expérimenter avec ma chienne.
On rencontre donc Jérôme qui a vraiment une compréhension incroyable des chiens et qui m’apprend à « lire » ma chienne. Je lui explique ce qu’un autre éducateur canin m’a dit : « si elle réagit comme ça, en partant à l’attaque, c’est parce qu’elle a peur. En lui faisant peur, le stimulus s’éloigne. C’est une méthode qui fonctionne pour elle ». À ma grande surprise ( parce que je trouvais que le raisonnement se tenait ! ), Jérôme me répond : « pas du tout ! Elle s’est conditionnée à réagir comme ça ! Peut-être qu’à l’origine, c’est un comportement qui vient de la peur. Mais petit à petit, c’est devenu un conditionnement qui n’a plus rien à voir avec la peur. »
Cette histoire de conditionnement m’a fait beaucoup réfléchir. Effectivement, au quotidien, je me rends compte que parfois Luna déclenche, sans même trop savoir pourquoi. Et quand elle ne déclenche pas, alors la « vraie » émotion peut émerger.
C’est dans ces cas là que sa peur apparaît parfois. Dans ces cas là, quand une personne l’effraye, elle fait un pas de côté. Mais sinon, quand elle ne déclenche pas sur un vélo, c’est une totale neutralité qui se fait jour ! Ma chienne n’est donc pas terrorisée. Juste conditionnée.
Je ne rentrerai pas plus dans les détails de la rééducation de ma chienne, mais toujours est-il que cela consiste aussi à travailler sur moi, sur ma position, mon ancrage, sur ma peur et mon stress, que je dois éviter de communiquer à Luna. En somme, je dois me déconditionner aussi ! Et cela n’a rien de facile.
I.7 pratyakshānumānāgamāh pramānāni
I.8 viparyayo mithyājñānam atadrūpapratistham
I.9 sabdajñānānupātī vastusūnya vikalpah
(...)
I.11 anubhūtavishayāsampramoshah smrtih
La perception juste provient de l’observation directe, de l’analyse ou de témoignages valides.
La connaissance illusoire/erronée n’est pas fondée sur la réalité des faits.
La conceptualisation est basée sur les connaissances linguistiques et non pas sur la réalité.
(...)
La mémoire est la rétention d’expériences.
—Yoga Sutra de Patañjali
Dans ces sutras, Patañjali décrit deux types de perceptions : la perception juste et la perception fausse. La première perception découle avant tout de nos 5 sens : nous pouvons toucher, voir, sentir, entendre ou encore goûter l’objet. C’est une perception directe ( pratyaksha ). Typiquement, on l’utilisera quand par exemple, on voit quelque chose au sol, notre mental nous dit : « c’est un serpent ! » Mais en s’approchant, nos yeux nous disent : « ah non, c’est un bâton ».
Nous pouvons aussi percevoir les choses grâce à buddhi , notre intellect, que l’on peut distinguer de notre mental. L’intellect est notre capacité d’analyse ( anumana ) tandis que le mental regroupe nos pensées, mais aussi nos émotions, nos conditionnements. Ce type de perception correspond à l’exemple suivant : j’entends un bruit inhabituel. Mon cerveau reptilien se met en alerte/danger. Puis je me rappelle que ma voisine m’a dit qu’elle sortirait les poubelles tard le soir. Le mental réagit, l’intellect analyse.
Enfin la perception juste peut provenir du témoignage d’autres personnes. C’est typiquement la transmission de connaissance du Yoga d’un guru à
son élève ou encore le fait d’étudier les textes anciens, de s’instruire par le biais d’un enseignement.
Ce que nous dit ici Patañjali, c’est que ce type d’approche de la réalité n’a pas un impact négatif sur nous. Elle nous permet de voir les choses telles qu’elles sont. Par contre, si je me fie à des concepts, qui ne sont que des pensées, des manières d’organiser le réel, alors je ne suis plus vraiment dans ce réel, mais dans ma tête. Pire encore, si je me fie à ma mémoire, alors je vis dans un monde passé qui n’existe plus !
Or c’est exactement ce qui se passe quand nous sommes conditionnés. Notre cerveau fonctionne en pilote automatique.C’est même parfois carrément notre système nerveux qui prend les commandes ! On n’est plus dans l’analyse, plus dans la perception du monde ici et maintenant avec nos 5 sens, mais dans une réponse reptilienne sans réel fondement. Ainsi, dès que je vais promener ma chienne en ville, même si elle a la muselière et qu’il n’y a aucun risque, mon ventre se serre parce que je pense que les choses vont mal se passer.
Je me suis conditionnée à croire cela de par mon expérience. De la même manière, ma chienne déclenche sur des stimuli alors que par ailleurs, quand elle est en famille, mon fils de 8 mois pourrait faire de la trottinette sous son nez et cela ne la dérangerait pas plus que ça !
Comment faire alors pour sortir de ces conditionnements ? Revenir à l’état de jeune enfant, retrouver un regard neuf sur les choses, cultiver notre curiosité, travailler sur nos blessures d’enfant pour que cet enfant ne soit plus celui qui réagit mais l’adulte que nous sommes à présent, avec notre capacité de recul et d’analyse. Nous pouvons également faire des choses inhabituelles, sortir des sentiers battus. Évidemment, pratiquer le yoga. La pratique est un merveilleux lieu d’exploration de nos conditionnements. S’observer lorsque l’on monte sur son tapis : est-ce que j’ai tendance à toujours faire la même chose ? Est-ce que j’ai des attentes particulières par rapport à telle ou telle pratique ? Est-ce que je suis capable d’observer mon mental et ses résistances au changement ? Est-ce que je suis capable d’accueillir ce qui se joue en moi avec curiosité, avec un regard neuf ?
Pendant que je m’apprête à retourner en ville avec Luna, toujours avec ce petit trac qui me prend au ventre, je vous laisse à ces questions ! Et je vais essayer d’accueillir cette nouvelle balade avec un regard neuf !
Ah oui, et puis, je vous souhaite à toutes et à tous de très belles fêtes de fin d’année !
Ariane,